Gouvernance RSE : pourquoi et comment l’adopter ?

Et si une entreprise pouvait réussir sans renoncer à ses valeurs, et même gagner en résilience ? Si sa stratégie prenait en compte ses parties prenantes, son impact sociétal, et le droit des générations futures ? Si chaque collaborateur trouvait sa place dans une entreprise qui agit avec cohérence, dans une démarche claire, partagée, mesurable ?

Bienvenue dans le monde de la RSE. Ici, la gouvernance n’est pas qu’un mot. C’est un pilier ! Une pratique. Un processus vivant, mis en œuvre chaque jour, à tous les niveaux, par les acteurs.

Ce guide explique comment structurer une gouvernance qui relie vision et gestion, enjeux sociaux et objectifs économiques, engagement et efficacité, humain et résultat financier. Avec des exemples, des règles, des principes concrets, et des outils simples à adopter.

1) Qu'est-ce que la gouvernance RSE ?

La gouvernance désigne l’ensemble des mécanismes qui organisent la prise de décision, la distribution du pouvoir et la mise en œuvre d’actions au sein d’une entreprise.

La Responsabilité Sociale des Entreprises est la recherche d’impact positif au niveau économique, social et environnemental.

La gouvernance classique vise d’abord le résultat financier, la croissance et le profit. Elle structure le pouvoir décisionnel autour d’une logique hiérarchique et économique.

La gouvernance RSE, elle, intègre d’autres dimensions :

En quoi elle diffère d'une gouvernance d'entreprise classique ?

Gouvernance classique Gouvernance RSE
Objectif : performance économique
Objectif : performance économique associée à impact social & environnemental positif
Pouvoir de décision : direction générale
Pouvoir de décision : subsidiarité (chacun a du pouvoir à son niveau), prises en compte des différentes parties prenantes.
Temporalité : court terme
Temporalité : court et long terme
Outils : reportings financiers
Outils : indicateurs financiers, sociaux et environnementaux

Un pilier essentiel de la responsabilité sociétale des entreprises

La norme ISO 26000 (la référence pour la RSE [LIEN PDF]) classe la gouvernance de la RSE parmi les sept piliers majeurs d’action. C’est le socle sur lequel repose toute la mise en place d’une politique RSE.
Il ne sert à rien de parler d’environnement, de client, ou d’employé, si les décisions ne suivent pas.

Une gouvernance RSE prend en compte les parties prenantes (salariés, clients, fournisseurs, communautés locales, etc.) et assure la transparence des décisions et des activités qui ont un impact sur la société et l’environnement.

Les 6 autres piliers RSE sont très vastes et concernent tous les secteurs de l’entreprise :

Pilier Ce qu'il implique
Droits humains
Respect des libertés fondamentales dans tous les pays d’intervention
Relations et conditions de travail
Climat social, santé, sécurité, formation, dialogue
Environnement
Limiter les risques environnementaux, promouvoir la responsabilité environnementale
Loyauté des pratiques
Prévenir la corruption, respecter la concurrence, garantir des pratiques commerciales justes
Questions relatives aux clients
Qualité des produits, sécurité, accessibilité
Développement local
Impact social positif, lien avec les communautés, développement économique

Tout se joue autant dans de grandes décisions stratégiques qui relèvent de la direction :
« Ce fournisseur est 10% moins cher, mais ses conditions de travail sont opaques. Est-ce que ces économies valent le risque ? »
« Quels sont nos plans concrets et financés pour réduire notre consommation d’énergie et notre dépendance aux énergies fossiles dans les 3 prochaines années ? »

Que dans de multiples décisions d’enjeux plus faibles pour les managers et les salariés :
« Julie a encore fait une nuit blanche pour boucler le dossier. Dois-je la féliciter pour son dévouement ou m’inquiéter de son épuisement ? »
« Avons-nous vraiment besoin de collecter cette donnée personnelle sur nos utilisateurs, ou est-ce juste ‘au cas où’ ? »
« Ce voyage à l’autre bout de la France pour une réunion de 2 heures est-il justifié, ou peut-on proposer une alternative en visioconférence sans perdre en efficacité ? »
« Sommes-nous suffisamment honnêtes sur les limites du produit dans notre documentation ? »*

Dans les entreprises engagées, la démarche RSE impacte tous les sujets : conditions de travail, politique d’achat, relations avec les fournisseurs, engagements environnementaux, etc.

L’écueil n°1 des démarches RSE

Ce que vous devez éviter, c’est que la démarche ne soit portée que par une commission coupée du terrain et des réalités financières de l’entreprise.
Si elle a du pouvoir, elle va prendre des décisions incohérentes, voire dangereuses.
Si elle n’a pas de pouvoir, elle pourra tout au plus mesurer des indicateurs, mais rien ne changera.

Les enjeux RSE doivent être intégrés à chaque échelon de l’entreprise !
C’est un vrai changement de culture qu’il n’est pas toujours aisé de mettre en place.

2) Pourquoi mettre en place une gouvernance RSE ?

Mieux répondre aux attentes des parties prenantes

Un dirigeant peut difficilement agir seul. Il doit composer avec une réalité complexe : salariés, clients, collectivités, États, associations, citoyens… Tous attendent des engagements clairs.
Les espaces de consultation et de dialogue vont permettre de saisir les attentes réelles des partenaires.

De meilleures décisions

En informant, en consultant, en décidant avec différentes parties prenantes, va se créer un lien fort entre entreprise et son environnement. Cela réduit les tensions, renforce la légitimité des choix, et permet plus d’intelligence collective.

Être plus attractive et mieux fidéliser

Tout le monde aime être pris en compte.
Si les modalités sont bien pensées pour ne pas être chronophages, l’entreprise va être plus attractive et mieux fidéliser clients et salariés.
Elle bénéficie d’une meilleure réputation, les partenariats sont facilités.

Exemple – Co-construire avec des partenaires :
Michelin collabore avec des partenaires experts comme Carbios (Solutions enzymatiques pour recycler les plastiques) pour industrialiser le recyclage des pneus usagés, transformant ainsi son modèle économique vers une économie circulaire. (Source
)

Démultiplier l'impact de la démarche

En intégrant la RSE à la stratégie et à tous les échelons de décisions, chacun-e fait sa part. Cela va augmenter l’impact, et mettre en cohérence les discours et les actes.

*Exemple – Intégrer la RSE au plus haut niveau décisionnel
Chez L’Oréal, la RSE siège désormais à la table des décideurs. Son comité exécutif, piloté par le PDG Nicolas Hieronimus, valide désormais les investissements à l’aune de leur impact climat. Preuve de cet engagement : 100% de ses sites sont déjà neutres en carbone. Avec un fonds de 150 millions d’euros dédié, le géant n’hésite pas à investir lourdement pour atteindre sa neutralité carbone complète d’ici 2025.
(Source)

Mesurer les progrès, pouvoir communiquer vers l'extérieur

Les indicateurs mis en place permettent autant de guider la stratégie et les collaborateurs, que de rendre des comptes et de communiquer.

Impulser une culture d'entreprise éthique et responsable partagée

Quand les pratiques sont imposées par le haut, cela génère des résistances parfois jusqu’à compromettre les résultats.
Rendre chaque membre de l’entreprise partie prenante à son niveau. C’est se donner les chances que la démarche devienne source de cohésion, plutôt qu’un projet porté à bout de bras.

Assurer la transparence et la cohérence des actions RSE

Une entreprise cohérente agit avec clarté. Elle ne communique pas sur une chose tout en faisant l’inverse.

La gouvernance permet de relier les engagements aux pratiques concrètes. Elle définit un cadre simple dans lequel les dirigeants et les équipes internes peuvent évoluer sans flou.
Elle clarifie ce qui est promu, ce qui est attendu, ce qui est surveillé, ce qui est corrigé.

C’est aussi une manière de protéger l’activité sur le long terme. Une entreprise qui documente, qui structure, qui met à jour ses engagements et ses résultats réduit ses risques de réputation, ses frictions internes, et les pressions réglementaires croissantes.

3) Comment structurer une gouvernance RSE efficace ?

Structurer, c’est donner une forme opérationnelle à ce qui était jusqu’ici une intention.

Une gouvernance mal pensée freine la transformation, épuise les équipes et impacte la performance.

Une bonne gouvernance RSE repose sur quatre leviers :

  1. Créer un organe de suivi et de coordination

  2. Des indicateurs pour piloter

  3. Intégrer les parties prenantes

  4. Des outils pertinents simples pour informer, consulter & décider

Créer un organe de suivi et de coordination (commission RSE)

Par exemple, dans une petite PME. Un responsable référent RSE et un outil simple pour suivre les engagements suffisent à poser une base saine.

Dans une entreprise plus conséquente ou une start-up en croissance, le pilotage doit se faire en collectif. Ce qui compte, c’est que cette commission RSE ait de la légitimité, une bonne méthode de travail et des moyens suffisants. Idéalement ses membres représentent les différents services. Ce qui permet autant de faire remonter les informations, que d’en transmettre ou d’observer l’appropriation de la démarche.

Cette commission peut avoir plusieurs missions :

  • Fixer des indicateurs (KPI), les suivre et les diffuser dans un reporting.

  • Faire des propositions d’actions pour les atteindre (ou encore mieux les faire émerger de manière participative par les équipes)

  • Coordonner les différentes actions

  • Organiser les consultations et autres temps collectifs sur le sujet

  • Communiquer, sensibiliser et former en interne.
    Célébrer les avancées est un élément clé de conduite du changement pour que la démarche soit motivante dans le temps.

  • Assurer une veille réglementaire et vis-à-vis des attentes des parties prenantes

  • Vérifier la véracité des informations fournies autant en interne qu’auprès des fournisseurs, par des audits par exemple.

Cette commission ne devrait pas prendre de décision pour les services concernés sans les impliquer, au risque de prendre des décisions hors-sol qui seront mal appliquées, ou susciteront le rejet de la démarche.

Des indicateurs pour piloter

C’est la mission de la commission RSE de créer les indicateurs.
Leur pertinence est cruciale car tout le suivi de la démarche repose sur eux. Ils doivent être personnalisés à l’activité de l’entreprise.
Ils sont utiles pour communiquer à l’extérieur.
Mais surtout ils permettent de piloter en interne. Ils doivent permettre AVANT et APRES les décisions d’en mesurer l’impact.
Il faut donc qu’ils soient accessibles et diffusés régulièrement.
Si l’entreprise distribue des primes, les indicateurs sociaux et environnementaux devraient aussi être intégrés !
La santé financière de l’entreprise n’est pas une option, mais si seuls les indicateurs financiers de type chiffre d’affaires le sont, les salariés ne se focaliseront que sur eux.

*Exemple – Lier la rémunération des dirigeants aux objectifs RSE
Schneider Electric a intégré des critères RSE (comme la réduction des émissions de CO₂ ou l’augmentation de la diversité dans les effectifs) dans le calcul de plus de 20% de la rémunération variable de ses dirigeants, alignant ainsi les intérêts individuels sur la stratégie RSE collective.
(Source)

Voici des exemples d’indicateus :

Pilier RSE Indicateur
Gouvernance
% de prime lié à la performance RSE. Taux de mise en œuvre des actions du plan stratégique RSE.
Droits humains
Nombre d’audits sociaux réalisés chez les fournisseurs, nombre d’heures de formation chez les salariés
Relations et conditions de travail
Taux de turnover, fréquence des accidents de travail, écarts de rémunération homme/femme
Environnement
Réduction de consommation, émissions évitées, taux de déchets recyclés
Loyauté des pratiques
Nombre d’alertes remontées et traitées, % de salariés formés
Questions relatives aux clients
Nombre de réclamations, taux de résolution
Développement local
Nombre de partenariats associatifs, montant de dons

Intégrer les parties prenantes

Le but de la démarche RSE est de les prendre en compte et d’impliquer la diversité des parties prenantes. Chaque acteur joue un rôle : initier, interroger, exprimer ses besoins, mettre en œuvre, évaluer, ajuster, soutenir.

Interne à l'entreprise Hors de l'entreprise
Direction
Clients
Managers
Collectivités locales
Salariés
Fournisseurs
Instance de décisions ou consultatifs
Experts indépendants
Associations locales

Prendre en compte c’est une façon de réduire les blocages, d’anticiper les critiques et d’accélérer les changements.

Des formats d’atelier participatifs en intelligence collective (Forum ouvert, World Café, Débat mouvant, Cercle Samoan,…) peuvent créer des élans collectifs incroyables.
Vous pouvez nous contacter si vous cherchez un facilitateur de ces processus [LIEN]

Mais pour autant pas question de tomber dans un excès où tout le monde décide de tout.
Certains ont beau l’idéaliser, le retour à la réalité serait brutal : consensus mou, conflits, inertie, épuisement,…

Le temps de chacun est précieux. Et la disponibilité / motivation des parties prenantes non rémunérées peut se révéler très limitée.
D’où la nécessité d’avoir les bons outils.

Exemple – Mettre en place un système de veille et d’alerte éthique simple d’utilisation
Carrefour a déployé une plateforme d’alerte éthique externalisée et anonyme, permettant à tous ses collaborateurs et parties prenantes (fournisseurs, clients) de signaler des pratiques non conformes. Des centaines d’alertes sont ainsi traitées chaque année, des conditions de travail chez un fournisseur à une pratique interne douteuse. Bien plus qu’une boîte à lettres, c’est un outil stratégique qui permet de désamorcer les crises avant qu’elles n’éclatent.
(Source
)

Des outils pertinents simples pour informer, consulter & décider

Mais sans tomber dans des excès d’horizontalité, c’est tout à fait possible de prendre en compte les gens de manière économe en énergie, qui crée de l’enthousiasme et qui leur donne un pouvoir adapté à leur niveau de responsabilité ou d’impact.

Partage d’intention, décision algorithmique, consensus, consentement, vote à choix multiples, sollicitation d’avis, consultation interpersonnelle, questionnaire, consultation en réunion,…
Il existe une grande diversité de manières de décider, adaptée à chaque contexte
C’est une des grandes expertises de la Gouvernance Intégrative que nous n’allons pas détailler ici.
Vous pouvez en avoir un aperçu dans les articles et les acquérir en formation [INTRA]

[image famille de prise de décision]

Au niveau information, La clarté des éléments (tableaux de suivi synthétiques, etc) est aussi cruciale que le choix des bons canaux de communication (email, internet, intranet, messagerie,…)

Chaque outil utilisé doit servir l’action, pas l’alourdir. Il faut donc les choisir avec soin suivant le contexte et les préférences des utilisateurs.

4) Gouvernance RSE & Gouvernance Intégrative : vers la création d'un fonctionnement sur mesure

Vous l’avez probablement réalisé, une démarche de RSE sincère est un vaste projet, qui va amener des changements profonds et nécessiter une démarche de conduite du changement pertinente.

Concernant la gouvernance, si vous plaquez un modèle, qu’il soit de gouvernance partagée, d’holacratie, ou d’entreprise libérée, vous risquez fort de créer autant de tensions que vous en résoudrez.

Chaque entreprise est unique, ce qui a fonctionné dans une entreprise peut bloquer dans une autre.
C’est le constat au cœur de la Gouvernance Intégrative.

La Gouvernance Intégrative ne propose pas un modèle.

  • C’est une méthode pour aider les organisations à créer leur propre fonctionnement 100% sur mesure, un fonctionnement qui concilie efficacité, performance, enjeux sociétaux et enthousiasme de tous les acteurs.

  • Comme la RSE, elle intègre les différentes parties prenantes pour générer une dynamique collective, plutôt que de la résistance au changement.

  • Elle vous permet d’aller à votre rythme.

Vous pensez avoir besoin d’aide pour mettre en place le pilier Gouvernance de votre RSE ?

L’équipe sera ravi d’avoir  un premier échange avec vous, pour voir comment vous être utile.

Portrait Sacha Epp

Article rédigé par Sacha Epp

Après avoir s’être formé et avoir expérimenté de nombreux modèles de gouvernance, Sacha Epp a créé la méthode de la Gouvernance Intégrative en 2020.
Il partage son temps entre ses activités de formateur, d’accompagnant et son travail de recherche dont il partage une partie dans ces articles.